Intervention de Pierre GIBBE au WCRT 2022 : Le cycle de vie d’une formation

SNCF RÉSEAU, à travers sa filiale : l’Université de l’Ingénierie (UdI), a choisi d’externaliser certaines de ses formations, c’est-à-dire celles dédiées à l’ingénierie des réseaux ferroviaires.

À l’Université de l’Ingénierie,  nous considérons qu’un collaborateur nous offre ce qu’il a de plus précieux : son temps. Et l’entreprise nous confie ses deux ressources, son patrimoine intellectuel et son capital !

Depuis plus de 10 ans, nous répondons à ces enjeux en inscrivant la formation dans un cycle de vie. À chaque étape, nous mesurons la pertinence et l’efficacité du système.

 Laissez-moi vous expliquer comment nous procédons !

1- L’ÉMERGENCE D’UN BESOIN

Comme on dit en marketing : “Les ventes naissent du besoin (ou du problème) du client.”

Le développement d’une formation, de la même manière, naît d’un besoin. Souvent, il s’agit d’un besoin de montée en compétence d’une entité ou de collaborateurs sur un sujet donné.

La première chose à faire est d’identifier clairement ce besoin et d’aider le client à l’exprimer correctement. Le client a souvent une idée très précise de ce qu’il veut, mais il ne se pose pas toujours les bonnes questions.

Comme disait Henri Ford : « Si j’avais demandé à mon client ce qu’il voulait, il m’aurait dit un cheval plus rapide ».

La phase de questionnement que nous avons mis en place à l’Université de l’Ingénierie, en se posant les questions… , du qui, du quoi, du pourquoi ? … nous permet de mieux cerner ce besoin et de savoir si une modularisation de la formation est nécessaire.

 Quand on connaît la courbe de l’oubli d’Hermann Ebbinghaus, il est préférable de diviser la formation en modules (de 1 à 3 jours) organisés par thèmes et par niveaux. Ainsi les apprenants peuvent mettre en pratique les connaissances acquises plus rapidement.

Cette modularisation demande cependant une charge de travail plus importante de la part des ingénieurs pédagogiques pour assurer une progression constante et éviter les répétitions entre les différents modules.

Il s’agit également de renforcer l’orientation des stagiaires afin qu’ils se positionnent sur le bon module. Nous avons résolu ce dernier point en développant un outil d’auto-positionnement appelé « Ludic ».

Après avoir défini les contours de nos modules de formation, il faut maintenant développer les formations développement. Et pour ce faire, nous avons besoin de partenaires. C’est là qu’on embarque le client avec nous.

2 – LA CO-CONCEPTION EN MODE PROJET

Concrètement, comment se passe cette co-conception et comment embarque-t-on le client ?

Nous commençons par partager nos modes de fonctionnement et notre processus de création de formation. Nous détaillons ensuite les différentes étapes et expliquons au client l’intérêt de valider certains points ensemble. Nous lui donnons ainsi des perspectives et sécurisons avec lui le planning de développement. Nous lui expliquons également qu’en utilisant notre méthode, nous devrions répondre correctement à son besoin dans un temps optimisé.

Nous formons une équipe pour fonctionner en mode projet de manière agile. Cette équipe est généralement représentée par trois parties :

  • le client (avec son besoin),
  • l’Université de l’Ingénierie (avec les ingénieurs pédagogiques),
  • le référent/formateur (garant de la technique liée à la compétence).

Maintenant que nous connaissons le besoin et que nous avons une équipe projet, nous allons commencer à construire la formation étape par étape.

3 – UN PROCESSUS DE SÉQUENÇAGE PÉDAGOGIQUE ÉPROUVÉ

Pour cela, nous utilisons un processus de séquençage pédagogique au travers d’une matrice que nous avons spécifiquement développée en interne.

À partir de cette matrice, nous décomposons la formation en une série de séquences pédagogiques, chacune avec un objectif. Dans cette matrice, pour chaque séquence, nous définissons non seulement les modalités pédagogiques (Magistral, Interrogative, Démonstrative…) mais aussi le type de ressources nécessaires et le besoin de consolider ou d’évaluer la séquence.

Cette matrice constitue en détail tout le squelette de la formation, ses objectifs et ses ressources. Il permet également, dans le cadre d’un thème de formation modularisé, de voir quelles séquences sont liées ou redondantes entre les différentes formations.

 Après le séquençage pédagogique, nous passons par une phase de test que nous appelons une “phase pilote”.

4 – UNE PHASE DE TEST AVANT LE LANCEMENT

Il s’agit d’un essai à blanc de la formation qui s’effectue devant un public constituté de stagiaires cibles et de référents issus des compétences ciblées.

Lors de cette phase pilote, nous nous mettons en situation réelle de formation, mais avec une attention particulière accordée au retour d’expérience, régulièrement recueilli à la fin de chaque séquence.

Tester la formation est aussi parfois l’occasion de tester le formateur. La plupart de nos formateurs sont des experts techniques. Ils sont reconnus pour leur compétence dans leur domaine, mais n’ont pas forcément les méthodes ou l’aisance pour animer une bonne formation.

À l’Université de l’Ingénierie, nous avons développé pour eux tout un cursus, afin qu’ils puissent monter en compétences, se sentir plus à l’aise dans leurs formations, et dispenser des cours de meilleure qualité.

En plus des formations proposées, nous menons également des actions pour animer la communauté des formateurs, car dans certains métiers, les compétences sont rares et il y a très peu de candidats pour former. Les valoriser à travers ces activités et les accompagner dans leur désir de transmettre, suscite les vocations et crée une tendance positive.

5 – PRODUIRE UNE FORMATION, qu’est-ce que cela veut dire ?

On peut créer la meilleure formation au monde, s’il n’y a pas de stagiaires pour la suivre, ça ne servira à rien !

À l’Université de l’Ingénierie, nous utilisons différents canaux pour communiquer sur nos nouvelles formations.

  • En interne, nous publions des fiches formation avec des visuels attractifs et demandons aux managers ou référents métier de les relayer.
  • En externe, nous diffusons, via la Newsletter, aux abonnés à notre site internet et relayons largement nos nouvelles formations sur les réseaux sociaux. C’est un moyen très efficace de toucher un public interne depuis l’extérieur !

Ensuite, il faut planifier les sessions en adaptant le nombre au volume de stagiaires attendus. En général, les clients ont tendance à surestimer largement leurs besoins et il faut souvent diviser les prévisions par trois voire par cinq. Cette estimation est très importante pour nous afin de ne pas surestimer les ressources nécessaires et afin de réduire le coût de la formation.

6 – L’UNIVERSITÉ DE L’INGÉNIERIE : UN BATIMENT APPRENANT

Pour dispenser nos formations, nous nous appuyons sur un bâtiment apprenant : un lieu dédié à la formation où tout est fait pour favoriser l’apprentissage.

  • Premièrement, nous accordons une grande importance à l’esthétique des lieux et des objets utilisés. Les apprenants sont importants pour nous, et nous le montrons en leur fournissant des locaux et du matériel agréable et utile.
  • Nous sommes également très attachés à la qualité de « l’accueil » sur notre campus, donc « l’accueil » doit être incarné. Cela passe par un hall accueillant et un personnel attentif aux besoins .

Pour privilégier les échanges, nous avons dédié le rez-de-chaussée en un grand espace convivial avec boissons et petite restauration pour les pauses.

Nos trois étages sont organisés par thème :

  • un premier étage dédié aux métiers techniques nécessitant de grandes tablées pour déployer des plans,
  • au deuxième étage, les métiers qui demande davantage d’échanges et de collaboration avec un espace et une salle plus large,
  • au troisième  étage, des espaces favorisant le partage et la co-création.

Toutes nos formations ne sont pas réalisées dans nos locaux. Cinquante pour cent d’entre elles sont effectuées à distance. Mais même pour les formations en présentiel, nous avons besoin de ressources numériques.

7 – NOTRE LMS MAISON : MONCAP®

Ne trouvant pas sur le marché le produit dont nous avions besoin, nous avons développé notre propre plateforme pédagogique appelée MonCAP®, que nous avons brevetée en France, en Europe et en Amérique du Nord. Nous l’avons conçue comme un méta LMS, capable de s’intégrer ou de se relier à d’autres outils numériques. D’une certaine manière, nous avons fait évoluer notre plateforme, son design, son ergonomie pour favoriser le concept de learning building.

 MonCAP® est un espace dédié et personnalisé pour accompagner le stagiaire avant, pendant et après la formation. Il propose des contenus scénarisés avec un accès progressif à des ressources organisées sous forme de fiches pédagogiques. Il crée de l’implication, de l’interactivité et facilite la mémorisation des savoirs.

8 – ÉVALUER ET AJUSTER

Dans notre contexte, l’évaluation des formations est indispensable.

En effet, nous avons récemment obtenu une certification française QUALIOPI, spécifique aux organismes de formation qui requiert des évaluations.

D’autre part, nous sommes persuadés, qu’on ne peut pas gérer correctement ce qu’on ne peut pas mesurer. C’est pourquoi, la formation doit être correctement évaluée à trois niveaux différents.

  • Le premier niveau est la satisfaction des bénéficiaires. Cela vous permet de garder un œil sur la qualité et de l’améliorer en permanence. Nous avons choisi d’externaliser ce service via DOCEBO
  • Le deuxième niveau est l’évaluation de l’atteinte des objectifs de la formation. Cela peut se faire, par exemple, grâce à des quiz ou à l’auto-utilisation de notre plateforme pédagogique  MonCAP®.
  • Le troisième niveau est l’impact du système de formation par rapport à l’exercice de la profession. Ce niveau est plus compliqué à mettre en place mais nous l’atteignons en faisant ce que nous appelons la maintenance de la formation.

Au moins une fois par an, nous réunissons les différentes parties prenantes (candidat, référent métier, formateur, ingénieur pédagogique) en comité de pilotage et nous passons en revue tous les aspects liés à la formation.

Ce point global nous permet de corriger, si nécessaire et d’adapter en permanence la formation.

9 – AMÉLIORATION CONTINUE DE  NOS FORMATIONS

Lorsque le métier ou le système évolue, la formation peut devenir obsolète. Notre système d’évaluation à trois niveaux nous permet de prendre rapidement conscience de cette obsolescence et nous incite à discuter avec les acteurs concernés pour prendre une décision.

Il peut s’agir d’un arrêt pur et simple de la formation, mais plus fréquemment c’est une refonte complète d’un ou plusieurs modules.

10 – CONCLUSION

Comme nous l’avons vu en détail, la formation à l’Université de l’Ingénierie suit un cycle selon un processus établi et éprouvé, où pas à pas, nous avançons dans le développement puis la production de la formation.

Les différentes étapes du cycle ont été une longue construction et une approche méthodique, pragmatique et réaliste.

C’est parce que nous le faisons depuis plus de 10 ans que nous sommes en mesure d’atteindre ce niveau de maturité et de professionnalisme dans la formation professionnelle.

En tant que filiale d’un grand groupe, nous sommes perçus comme un poisson pilote et avons pleinement assumé et joué notre rôle : créer, tester, valider, “processer”, partager. Cela nous a permis de construire nos partis pris pédagogiques, notre ADN de la formation en quelque sorte et de nous développer avec beaucoup d’enthousiasme et de satisfaction au profit de nos clients.

Notre raison d’être, c’est d’accompagner et de faire monter en compétences dans le domaine de l’ingénierie des réseaux ferroviaires. Nous le faisons non seulement au profit de SNCF Réseau, mais aussi de ses sous-traitants.