Retour sur la conférence n°1 : les nouveaux enjeux de l’exploitation

L’Université de l’Ingénierie (UdI) revient, pour cette saison 2023-2024, avec un nouveau cycle de 5 conférences en partenariat avec les Campus SNCF Réseau et le réseau d’experts SNCF Synapse. La première a eu lieu à l’UdI, le 14 novembre et était dédiée aux nouveaux enjeux de l’exploitation. À cette occasion, Estelle MASCLET, Sébastien GOURGOUILLAT, Jérôme LEFEBVRE et Giuliano MONTANARO sont intervenus et ont exposé leur point de vue sur les grands enjeux du réseau ferroviaire. On vous propose de (re)découvrir en vidéo, en podcast et à l’écrit, les temps forts de la soirée.

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Estelle MASCLET, Directrice Générale Exploitation Système chez SNCF Réseau
Estelle MASCLET a ouvert cette conférence en revenant sur les défis actuels, marqués par une utilisation du réseau ferroviaire qui va s’intensifier. L’objectif est, à la fois, de régénérer et moderniser le réseau pour en renforcer la sécurité et la fiabilité, mais aussi de répondre à la demande croissante de mobilité. Elle en a profité pour revenir sur le projet “x 2” qui vise à doubler la part modale du ferroviaire. SNCF Réseau mise sur les 3 ingrédients principaux qui font la robustesse pour relever les défis actuels du réseau ferroviaire : Anticipation, Concertation et Simulation.

Sébastien GOURGOUILLAT, Directeur Général Adjoint Actifs Ferroviaires et Programmation chez SNCF Réseau
Sébastien GOURGOUILLAT a rebondi sur le projet “x 2” en mettant en avant la digitalisation de l’exploitation, permettant plus de trains et une meilleure performance économique. De plus, il a rappelé l’importance du déploiement de la technologie ARGOS d’ici 2024-2025 (successeur du PAI), qui marque le début d’une série d’étapes vers un réseau digitalisé conforme aux normes européennes. Le processus comprend également le déploiement de l’ERTMS et des euro-balises avec à terme la création de cantons virtuels. L’objectif global est de transformer le réseau via des technologies informatiques et télécommandables, en digitalisant les fonctions de sécurité. Le projet vise à déployer 5 000 km d’ERTMS et plus de 70% de la Commande Centralisée d’ici 2040. Cependant, cela nécessite une accélération significative, avec le besoin de constituer un tissu industriel capable de gérer des contrats complexes et une filière de développement de produits. Bien que le tissu industriel soit présent, il a besoin de davantage de visibilité et de contrats pour rester compétitif notamment aussi vis-à-vis des autres pays européens.

Estelle MASCLET a par la suite évoqué l’évolution des technologies dans l’exploitation ferroviaire. Elle mentionne la complexité des zones exploitées, allant des installations isolées en campagne aux grands centres. Les équipements présentés, en activité pour la plupart, démontrent cette diversité, avec le plus ancien encore en service depuis 1932. Les enjeux sont illustrés par le triangle de l’exploitation : Équipements, Procédures, Opérateurs. La modernisation du réseau implique de prendre en compte un patchwork technologique persistant, nécessitant une adaptation continue. La modernisation de l’exploitation ferroviaire vise à automatiser certaines tâches pour permettre aux opérateurs de se concentrer sur la prise de décision. Avec 55 000 collaborateurs, dont environ 13 000 dans les métiers de l’exploitation, les enjeux majeurs sont avant tout le recrutement, la formation et la fidélisation du personnel.
Les évolutions technologiques soulèvent de nouveaux défis, notamment dans l’adaptation des procédures, l’ouverture à la concurrence, et la digitalisation des activités. La gestion des données devient cruciale, avec des enjeux liés à la production, au stockage, à la protection, à l’analyse et à la mise en format des données. La cybersécurité est également un point central, surtout en préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris, où la vulnérabilité augmente. En parallèle, des projets de services, tels que les Services Express Régionaux et Métropolitains, ajoutent une dimension supplémentaire aux défis de SNCF Réseau.

Jérôme LEFEBVRE, Directeur du projet NExTEO chez SNCF Réseau et SNCF Voyageurs
Quant à Jérôme LEFEBVRE, il est revenu sur le projet NExTEO dont il dirige le développement depuis plusieurs années. NExTEO est conçu pour répondre aux enjeux de saturation des RER en Île-de-France. Ces lignes, qui sont de véritables axes de Mass Transit, ont connu une augmentation significative de leur fréquentation depuis leur création dans les années 70 et 90. Pour éviter une congestion progressive de ces lignes, doubler les infrastructures était inenvisageable, d’où l’émergence de NExTEO, une solution technologique qui constitue une véritable innovation, pour augmenter le débit sans avoir à doubler les infrastructures existantes. NExTEO est un nouveau système d’exploitation développé en partenariat entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs dont le premier déploiement est prévu sur la ligne E. NExTEO constitue en effet la pierre angulaire du projet EOLE qui vise à désaturer le RER A, axe de transport majeur de l’Île-de-France, en prolongeant le RER E vers l’ouest jusqu’à Mantes-La-Jolie. Pour Jérôme Lefebvre, ce projet représente un défi technologique et humain majeur. Ainsi sur la ligne E, l’objectif est de passer de 16 trains par heure actuellement à 22 trains par heure, avec un potentiel permettant d’aller jusqu’à 28 trains par heure. NExTEO doit également être déployé, en partenariat avec la RATP, sur les lignes B et D. Ces deux lignes représentent le trafic d’une autoroute à 2 x 9 voies en plein cœur de Paris, avec plus d’1,5 million de voyageurs par jour. Avec NExTEO, l’objectif est non seulement d’augmenter la fréquence réelle des trains et de fluidifier le trafic sur la partie centrale de ces RER, le fameux tunnel Chatelet / Gare du Nord, mais aussi d’offrir une meilleure qualité de service pour les voyageurs sur l’ensemble de ces deux lignes, en rendant l’exploitation plus robuste, plus résiliente. La technologie choisie, le CBTC (Communication Based Train Control), a été initialement conçue pour moderniser des réseaux de métro. Aujourd’hui largement éprouvée dans ces environnements totalement clos et étanches, son adaptation à l’environnement ouvert du Réseau Ferré National représente un défi technologique de premier plan.

Giuliano MONTANARO, Consultant chez Alius Consulting
Guiliano MONTANARO d’Alius Consulting, un cabinet spécialisé dans le transport ferroviaire, a débuté en prenant l’exemple d’un iceberg pour symboliser la complexité sous-jacente du système ferroviaire. Il met en avant la nécessité de comprendre les aspects microscopiques et dynamiques du réseau ferroviaire, soulignant que la partie émergée de l’iceberg représente seulement une petite partie du système. Giuliano Montanaro évoque également des projets similaires à NExTEO à l’étranger, notamment le projet Elizabeth Line à Londres, rappelant les défis liés à l’intégration de différentes technologies de signalisation. Mais aussi les enjeux d’exploitation similaires dans toute l’Europe. Il a ainsi mentionné des exemples de projets en Suisse, un pays qui a également dû faire face à des problèmes de saturation et de gestion du matériel roulant. Il insiste sur l’importance de ne pas sous-estimer les défis à long terme et suggère d’investir davantage dans des approches précises et des outils adaptés. En réponse à la question sur les leçons qu’on peut tirer de l’étranger, Giuliano Montanaro précise que chaque pays a ses particularités, mais il met en avant des initiatives innovantes en Italie comme la création d’ERTMS niveau 2 virtuels. Pour lui, chaque pays peut s’inspirer et adapter des idées selon ses propres conditions et développements ferroviaires.

Cette première conférence a permis des échanges éclairants pour aborder les enjeux posés à l’exploitation. Après les avoir analysés, le cycle se poursuit avec la deuxième conférence le 16 janvier à Nanterre pour mieux concevoir et transformer les infrastructures.