Les Explorateurs – Estelle Quarlin-Plagnol : le réemploi au cœur de l’ingénierie ferroviaire

Les Explorateurs – Estelle Quarlin-Plagnol : le réemploi au cœur de l’ingénierie ferroviaire

Pour clore le cycle Les Explorateurs, organisé par l’Université de l’Ingénierie (UdI) et le réseau Synapses, Estelle Quarlin-Plagnol, chargée d’études voie au pôle régional ingénierie de SNCF Réseau, a livré un témoignage concret sur la frugalité appliquée à l’éco-conception et au réemploi des matériaux ferroviaires.
Son intervention illustre la manière dont les principes de l’économie circulaire transforment durablement les pratiques de conception et de maintenance du réseau.

Quand la frugalité devient une évidence de terrain

« Je n’imaginais pas que trente ans plus tard, je renouvellerai cette voie avec des matières de réemploi. »
Par ce clin d’œil à sa région d’origine, Estelle Quarlin-Plagnol introduit son propos.

Elle revient sur le chantier Carcassonne–Limoux, mené en 2017-2018. Avec un budget limité — 12 millions d’euros pour 23 km — les équipes ont dû repenser entièrement leur façon de concevoir et de construire la voie.
La solution : un renouvellement réalisé à partir de matériaux réemployés, issus d’un chantier voisin. Une première pour une ligne principale de voyageurs.

« C’était une inversion totale du rapport habituel entre conception et matière », souligne-t-elle.

Le pari est tenu : la ligne demeure aujourd’hui un exemple technique et économique réussi.

Deux piliers pour une approche circulaire : éco-conception et réemploi

Pour Estelle Quarlin-Plagnol, la frugalité repose sur deux leviers structurants :

  • L’éco-conception, qui consiste à concevoir à partir des matériaux disponibles, et non à commander systématiquement du neuf.

    « Dis-moi les matières dont tu disposes, et je te concevrai une voie. »

  • Le réemploi, qui prolonge la durée de vie des rails, traverses et ballast
    en les transférant des lignes les plus sollicitées vers les lignes régionales, dans une logique de circuit court.

Ces démarches supposent une nouvelle manière de préparer les chantiers :
anticiper, organiser la récupération et l’expertise des composants, prévoir le stockage, repenser les marchés travaux et intégrer la notion de dépose soignée.

Une démarche structurante pour la transition écologique

Le réemploi constitue un levier essentiel pour atteindre l’objectif de –25 % d’émissions carbone d’ici 2030 sur le cycle de vie des produits.
Il permet :

  • de réduire les déchets,

  • d’alléger les coûts de retraitement,

  • de sécuriser les approvisionnements.

Les matériaux proviennent de chantiers de renouvellement, de surstocks ou de la Recyclerie ferroviaire de Beaune.

Changer les pratiques, valoriser les savoir-faire

Au-delà des résultats techniques, Estelle Quarlin-Plagnol insiste sur la dimension collective :

« Le réemploi est une histoire d’équipes qui ont le même but. Chacun apporte sa pierre à cet édifice. »

Cette approche exige rigueur, anticipation et adaptation des méthodes, mais elle représente une source de fierté et témoigne d’une véritable intelligence technique et environnementale.

Aujourd’hui, des voies composées de plus de 80 % de matériaux réemployés incarnent une nouvelle culture de l’ingénierie ferroviaire : sobre, durable et exemplaire.

Cet article conclut la série de quatre publications consacrées aux interventions du cycle Les Explorateurs, dédié à la sobriété et à la frugalité dans le ferroviaire.
👉 Le replay de cette dernière conférence est disponible : VIMÉO / YOUTUBE