Restitution de la conférence n°3 : Vers une maintenance performante et optimisée

L’Université de l’Ingénierie poursuit son cycle de conférences en partenariat avec les campus SNCF Réseau et le réseau d’experts SNCF Synapse. Après avoir exploré les nouveaux enjeux de l’exploitation et poser les pistes pour mieux concevoir et transformer les infrastructures, la troisième conférence est revenue sur les conditions d’une maintenance optimisée.
Accueillie par le Campus Formation SNCF Réseau de Saint Priest et Philippe GAYOU, son Directeur, la conférence a réuni les interventions de Jérôme KAZMIERCZAK, Amélie MOUTON, Béatrice LELOUP et enfin Frank HOFFMANN.
On vous propose de (re)découvrir en vidéo, en podcast et à l’écrit, les temps forts de la soirée.

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Jérôme KAZMIERCZAK
Innovation, Data et technologies au service de la surveillance

Jérôme KAZMIERCZAK, Directeur du Programme Surveillance & Supervision, est revenu sur cette direction, essentielle à la maintenance. Initié en 2017 par SNCF Réseau, le programme Surveillance & Supervision est à la pointe des innovations pour la maintenance et la surveillance des infrastructures ferroviaires. En effet, à travers l’intégration de technologies digitales avancées et de l’intelligence artificielle, le programme Surveillance & Supervision cherche à anticiper les problèmes avant qu’ils ne se manifestent. Pour cela, il s’appuie sur sa capacité à détecter des signes avant-coureurs sur les installations afin de déclencher une intervention avant que la panne n’arrive, avant la défaillance de l’infrastructure. L’autre activité de Surveillance est de développer des applications digitales à destination du mainteneur.
Le programme a démarré avec environ 70 projets variés, allant des phases expérimentales initiales à des déploiements plus larges de solutions technologiques éprouvées. Parmi les avancées significatives, le programme a introduit l’utilisation de l’Intelligence Artificielle, notamment le Machine Learning et le Deep Learning, pour analyser et interpréter les données collectées. Cette approche permet de prédire et d’intervenir sur d’éventuelles défaillances avant que celles-ci ne perturbent le réseau.
Un élément central du programme est la modernisation et l’expansion des moyens de surveillance, notamment à travers l’utilisation de trains de surveillance équipés de capteurs avancés.  De nouveaux engins de mesure ont été mis en place. Ils sont multifonctions, c’est-à-dire qu’ils mesurent plusieurs paramètres des infrastructures en même temps : avec un seul sillon, une seule circulation, ces trains sont capables de mesurer simultanément la géométrie de la voie et l’état de la caténaire, les profils de ballast, les défauts de rail augmentant ainsi considérablement la quantité et la qualité des données recueillies.
La gestion et l’analyse de ces données sont cruciales. Jérôme KAZMIERCZAK a souligné l’importance de développer des outils de traitement et de visualisation des données qui facilitent leur exploitation par les mainteneurs. Deux outils informatiques majeurs ont été développés :  Supervision NG (Nouvelle Génération), qui améliore la gestion des incidents en temps réel, et des interfaces homme machine innovantes qui assistent les mainteneurs dans l’analyse des données.
Les retombées du programme sont notables : amélioration de la sécurité des employés par la réduction de leur présence sur les voies, augmentation de la régularité des trains grâce à la prévention d’incidents, et gains économiques substantiels par l’optimisation des opérations de maintenance. En 2023, le programme a contribué à éviter une cinquantaine d’incidents majeurs sur le réseau, démontrant son efficacité dans la détection préventive proactive des problèmes.

 

Amélie MOUTON
Les objets connectés et la data sur le terrain

Amélie Mouton, à la tête de l’Agence Surveillance & Supervision et Technologies Connectées de l’Etablissement Industriel Sud-Est chez SNCF Réseau, a offert un aperçu détaillé des avancées technologiques et opérationnelles de la surveillance et de la maintenance du réseau ferroviaire dans cette région. Elle a présenté le Centre de Supervision situé à Lyon, véritable centre névralgique de la gestion des incidents pour le réseau Sud-Est, y compris la ligne à grande vitesse Paris-Lyon-Marseille.
Ce centre est devenu un pôle d’excellence dans l’analyse et la gestion proactive des incidents. Avec des outils comme CONTACT, qui retrace les mouvements des trains avant une défaillance, et TOUTATIS, qui offre des données de pluviométrie précises pour des interventions ciblées, le Centre améliore significativement l’efficacité des opérations de maintenance.
Comme l’a présenté Jérôme KAZMIERCZAK le Centre intègre l’objectif de maintenance prédictive au cœur de son approche. Cela est rendu possible par l’intégration de superviseurs d’appui technique spécialisés dans l’analyse prédictive. Leur travail permet de détecter les futures défaillances et d’intervenir en amont, contribuant à une amélioration notable de la fiabilité du réseau.
Avec une équipe de 20 à 25 personnes, le Centre de Supervision Sud-Est est une Agence Territoriale dédiée à la surveillance et à la supervision sur le territoire. Cette structure tripartite comprend également le Pôle Stratégie Déploiement, chargé du déploiement de la télésurveillance sur le réseau, et le Lab, focalisé sur l’innovation et l’introduction de nouvelles technologies comme l’IoT et les drones.
Les drones jouent un rôle très opérationnel sur la maintenance du réseau. Par exemple, des drones équipés de capteurs thermiques sont utilisés pour le réchauffage d’aiguilles, en un passage, on peut vérifier avant un pic de neige si les réchauffeurs thermiques sont tous en fonction. Ils sont aussi utilisés aussi pour des visites d’ouvrage d’art, là où les méthodes habituelles demandent de travailler souvent la nuit avec des fermetures de ligne, avec des engins spécifiques. Les drones peuvent travailler en journée pendant la circulation des trains et aller faire des vérifications très simplement. On surveille aussi des ouvrages de soutènement avec des fissuromètres.
Le Lab joue un rôle essentiel dans l’adoption de technologies avancées pour la maintenance,, cette approche innovante permet une surveillance plus efficace et sécurisée du réseau, réduisant les risques pour le personnel.
L’utilisation de lunettes connectées représente une autre innovation, facilitant la réparation d’équipements techniques sur le terrain grâce à l’assistance à distance. De même, l’installation de caméras dotées d’Intelligence Artificielle sur certaines sections du réseau aide à comprendre la dynamique des trains et à anticiper les problèmes potentiels. Face à l’augmentation exponentielle des données, le Lab a développé un outil d’analyse de données, sous Power BI, qui permet une exploitation plus efficace des informations collectées. Cet outil offre aux équipes de maintenance un accès à des données précises sur les incidents, facilitant la planification et l’optimisation des interventions.

 

Béatrice LELOUP
Innover par la sobriété pour maintenir les capillaires fret

Béatrice LELOUP, Directrice Territoriale Auvergne-Rhône-Alpes chez SNCF Réseau, a mis en lumière une nouvelle approche de la maintenance des lignes capillaires fret avec l’exemple de la ligne Volvic-Le Mont d’Or. Cette ligne de 100 kilomètres, une des cinq capillaires fret en Auvergne, est essentielle pour une dizaine de clients industriels de la région.
Pour pérenniser ces infrastructures, les équipes ont dû relever un défi de taille : maintenir la ligne avec une enveloppe budgétaire divisée par trois. Face à ces restrictions, la Direction Territoriale a dû repenser radicalement son approche pour maintenir la sécurité et la fonctionnalité des lignes avec des ressources limitées.
En réponse, une démarche innovante « SpotLab » a été mise en place, rassemblant divers experts internes pour identifier des solutions créatives permettant d’optimiser l’utilisation des fonds disponibles. Cette approche a conduit à la redéfinition des priorités de maintenance, en se concentrant sur le “juste nécessaire” pour assurer le fonctionnement des trains, tout en explorant toutes les économies possibles via notamment des leviers autour d’une politique d’achat plus performante, l’appui sur l’économie circulaire et le réemploi de matériaux.
Les résultats de cette stratégie adaptative ont été concluants, permettant d’étendre la durée de vie des infrastructures de trois à quatre ans avec un budget réduit. Cette réussite a non seulement démontré l’importance d’une connaissance approfondie du patrimoine ferroviaire mais a également souligné la capacité de SNCF Réseau à répondre aux besoins des industriels tout en respectant les contraintes financières des partenaires publics.
L’expérience acquise à travers cette initiative a posé les bases d’une nouvelle méthodologie de travail pour la maintenance des capillaires fret dans la région, privilégiant des cycles courts de régénération (2 à 3 ans vs 10 ans) et une approche ciblée répondant au “juste besoin”. Cette méthode, envisagée pour être dupliquée sur d’autres lignes de la région, illustre l’engagement de SNCF Réseau à maintenir et à développer le réseau ferroviaire fret, essentiel pour l’économie locale et la stratégie de réindustrialisation du territoire, tout en assurant une gestion efficace et responsable des ressources publiques.

 

Frank HOFFMANN
La rénovation globale de 4 000 kilomètres de voies

Frank HOFFMANN, Directeur Général de l’Interopérabilité Europe de l’Ouest pour les Corridors Européens et la Coopération chez Deutsche Bahn a détaillé l’approche ambitieuse de la maintenance de la Deutsche Bahn (DB).
Le constat est simple : les réseaux ferroviaires européens sont à un tournant. Face à une augmentation de plus de 200 % des kilomètres parcourus par train depuis la réforme de la DB en 2007, l’infrastructure existante, sous-financée et vieillissante, peine à suivre le rythme. Cette croissance importante du trafic a révélé un besoin urgent de modernisation, avec une ponctualité des grandes lignes tombée à 65% en 2023. On peut comparer cette situation à un tableau complexe où la beauté de la diversité ferroviaire européenne (trains à grande vitesse, régionaux, et de fret) est assombrie par les défis de maintenance et d’interopérabilité.
La réponse de la Deutsche Bahn à ces enjeux est audacieuse : investir 38 milliards d’euros pour transformer plus de 9 000 kilomètres de son réseau d’ici 2030. Ce projet vise à moderniser intégralement 4 000 kilomètres de voies, en adoptant une approche de rénovation globale qui rompt avec les pratiques de maintenance nocturne fragmentée. Les rénovations couvriront tous les aspects des infrastructures – voies, caténaires, signalisation – et prépareront le réseau pour l’intégration de technologies avancées comme l’ERTMS.
Ce projet monumental n’est pas sans ces défis. La fermeture de corridors entiers pendant cinq mois sans discontinuité nécessitera une planification minutieuse et une coordination avec une multitude d’acteurs, des autorités régionales aux entreprises ferroviaires et aux clients du fret. Ces périodes de fermeture, bien que cruciales pour la réalisation des travaux, imposeront des ajustements majeurs dans les itinéraires et les services.
En outre, le financement représente un défi de taille. L’investissement de 38 milliards d’euros reflète l’ampleur des ambitions de la DB, mais aussi la nécessité d’une vision à long terme qui peut être parfois en décalage avec les cycles politiques et budgétaires plus courts.
L’objectif dela Deutsche Bahn est clair : réduire de 80% les incidents liés à l’infrastructure sur le réseau rénové et garantir plusieurs années sans interruption majeure pour travaux après la rénovation. Ce projet a le potentiel de redéfinir la mobilité en Europe, en offrant un réseau ferroviaire plus fiable, plus sûr et plus respectueux de l’environnement.

 

Philippe GAYOU, Directeur du Campus Formation de Saint-Priest,

Philippe GAYOU a conclu en se tournant vers les jeunes apprenants présents pour les encourager à relever les défis face aux enjeux présentés , puisque ce sont les futurs acteurs du changement. Il a aussi mobilisé les formateurs, qui sont les véritables chevilles ouvrières de ces évolutions futures.

Rendez-vous pour la prochaine conférence le 14 mai prochain au Campus formation de Bègles pour la 4ème conférence sur l’adaptation du réseau au changement climatique.