L’Université de l’Ingénierie poursuit son cycle de conférences en partenariat avec les campus Formation SNCF Réseau et le réseau d’experts SNCF Synapse. Après une première conférence sur les nouveaux enjeux de l’exploitation, la deuxième conférence du cycle était dédiée aux transformations des infrastructures ferroviaires. Celle-ci s’est déroulée le 16 janvier au Campus Formation SNCF Réseau de Nanterre. À cette occasion, Frédéric Michaud, Jean-Philippe Jouve, Giacomo Bersano et Dariush Kowsar sont intervenus pour apporter leur vision et partager leurs analyses sur ce sujet.
On vous propose de (re)découvrir en vidéo, en podcast et à l’écrit, les temps forts de la soirée.
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Frédéric MICHAUD, Directeur Général Adjoint Industriel.
Investir dans l’avenir
Frédéric Michaud a exposé les défis et les orientations stratégiques de l’entreprise. Alors que SNCF Réseau investit près de 5 milliards d’euros par an, ce montant devrait augmenter de 30% au cours des quatre à cinq années à venir. Ces investissements sont cruciaux dans un contexte où l’entreprise doit jongler entre des technologies anciennes et d’autres toutes récentes, tout en gérant la circulation quotidienne de 15 000 trains.
L’objectif du développement de l’infrastructure est double : répondre aux attentes de régularité des clients tout en atteignant un équilibre financier. Ce dernier point est d’autant plus essentiel que SNCF Réseau vise un retour à l’équilibre d’ici 2024, un objectif presque atteint fin 2023. Pour y parvenir, Frédéric Michaud souligne l’importance d’une gestion de projet rigoureuse et d’une formation approfondie des équipes. L’accent est mis sur la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre avec un développement soutenu des compétences en analyse de risques et en procédures administratives, notamment environnementales.
La digitalisation joue également un rôle clé dans cette transformation. La SNCF prévoit d’intensifier l’utilisation des méthodes numériques, de la conception à la réalisation des projets. Par ailleurs, l’entreprise explore activement le potentiel de l’intelligence artificielle pour améliorer l’efficacité opérationnelle. Au-delà de ces innovations internes, SNCF Réseau se positionne en leader au sein de la filière ferroviaire. En collaboration avec des partenaires externes, qui représentent entre 35 et 40% de leurs activités d’ingénierie, SNCF Réseau s’engage dans quatre grands chantiers structurants :
- La connaissance et le partage des trajectoires d’activités
- L’attractivité et la formation pour répondre aux besoins du marché du travail
- La transition écologique, environnementale et l’innovation
- L’efficacité collective.
Jean-Philippe JOUVE, Directeur du programme BIM et continuité numérique à la Direction Technique du réseau chez SNCF Réseau.
Le BIM, un levier de changement.
Jean-Philippe Jouve a présenté le Building Information Modeling (BIM) comme un outil indispensable pour l’ingénierie ferroviaire. Pour rappel, le BIM est une méthode d’ingénierie centrée sur le partage d’informations entre tous les acteurs d’un projet, favorisant un travail collaboratif plutôt que séquentiel. Cette approche permet de réaliser les projets plus rapidement, de manière plus efficace tout en faisant des économies de ressources.
À ce jour, SNCF Réseau a déjà conçu et réalisé 250 projets en utilisant le BIM, impliquant 3 000 utilisateurs répartis entre les collaborateurs de SNCF Réseau et ceux de ses 300 entreprises partenaires. Cette avancée est soutenue par un programme de formation solide, comprenant 13 cours dispensés par l’Université de l’Ingénierie qui a déjà formé 1 500 agents.
Malgré ces progrès significatifs, Jean-Philippe souligne qu’il reste des défis à relever. La conduite du changement pour une adoption plus large du BIM est cruciale. De plus, des questions techniques spécifiques à certains domaines, comme la signalisation, nécessitent encore des solutions adaptées.
L’exemple du viaduc de Mantes illustre parfaitement l’efficacité du BIM. Grâce à l’utilisation de cette approche, 375 problèmes d’insertion ont été identifiés et 75% d’entre eux ont été résolus grâce à cette technologie. C’est une preuve de l’impact positif du BIM sur la gestion et la résolution des défis techniques.
Le projet collaboratif Minerve, financé dans le cadre de France 2030, témoigne d’un engagement important de l’ensemble des acteurs en adressant les défis communs à toute la filière ferroviaire.
Giacomo BERSANO, Chief Technology Officer chez IKOS et Directeur Général chez IKOS Labs.
MBSE, vers une ingénierie systémique
Pour Giacomo Bersano, la Model Based System Engineering (MBSE) est une méthode efficace pour gérer la complexité des systèmes ferroviaires. Historiquement, l’ingénierie des systèmes s’appuyait sur une documentation papier exhaustive pour analyser et définir les systèmes complexes. Ce processus, bien que rigoureux, se révèle chronophage et peu flexible face aux modifications inévitables des projets. La MBSE propose une alternative en modélisant ces systèmes, permettant une identification rapide des impacts de chaque modification. Cette méthode s’inscrit dans une logique d’efficacité et d’exhaustivité, réduisant ainsi le temps nécessaire à l’analyse et à la vérification.
Le partenariat entre IKOS et SNCF illustre l’application pratique de la MBSE dans le secteur ferroviaire, notamment sur des projets d’envergure comme la liaison Marseille-Vintimille. Cette collaboration témoigne de l’évolution des méthodes d’ingénierie.
Giacomo souligne l’évolution de la discipline. Issue des méthodologies du Departement Of Defense américain, l’ingénierie des systèmes a évolué vers une approche intégrant à la fois la gestion de projet et la résolution technique. Cette dualité représente le cœur de l’ingénierie des systèmes à l’échelle internationale.
La MBSE, développée depuis les années 2000, s’inscrit dans la lignée des avancées méthodologiques américaines en réponse aux défis posés par les systèmes complexes. Cette méthode a gagné du terrain dans divers secteurs, allant de l’automobile à l’aérospatial, grâce à l’adoption de l’Unified Modeling Language (UML) et d’autres outils de modélisation.
Giacomo envisage un avenir où la MBSE jouerait un rôle central dans l’accélération et l’optimisation du développement de systèmes complexes. En particulier, dans le secteur ferroviaire, où une telle approche méthodologique n’est pas encore pleinement exploitée, l’introduction d’un “Architectural Framework” spécifique pourrait révolutionner la conception et la mise en œuvre de nouveaux systèmes. Cette vision architecturale globale, inspirée des réussites dans l’aéronautique et les véhicules autonomes, pourrait potentiellement selon lui, réduire par trois le temps de développement des systèmes ferroviaires.
Finalement, Giacomo met en lumière l’importance de la MBSE dans l’évolution de l’ingénierie des systèmes. Son application représente un pas en avant significatif vers une ingénierie plus agile, capable de répondre aux exigences de systèmes toujours plus complexes.
Dariush KOWSAR, Directeur Europe chez SNCF Réseau.
L’Europe au Centre de la Stratégie
Dans un contexte où les frontières s’estompent et où les échanges se globalisent, l’importance de l’Europe dans la stratégie de SNCF Réseau est plus importante que jamais. Dariush Kowsar a mis en lumière cette dynamique lors de la conférence.
La première clé de cette stratégie européenne réside dans les partenariats inter-entreprises ferroviaires. Ces collaborations transfrontalières sont essentielles, d’autant plus que 24% des trains-kilomètre à grande vitesse et 50% des tonnes-kilomètre de marchandises en France sortent des frontières.
Un autre pilier stratégique est l’interopérabilité et la normalisation, facilitant la sécurité et l’efficience du réseau. L’Europe joue un rôle de premier plan dans la législation et la réglementation, établissant des normes qui influencent directement la gestion de SNCF Réseau.
Un autre aspect crucial et souvent sous-estimé est le financement européen de projets ferroviaires d’envergure. Par exemple, le projet ERTMS sur la ligne Paris-Lyon, coûtant entre 700 et 800 millions d’euros, bénéficie d’un apport significatif de 125 millions d’euros de l’Union Européenne. Ces investissements sont vitaux pour l’évolution et la modernisation du réseau.
Dernier élément à prendre en compte : le Green Deal. Mis en place par la Commission Européenne, il vise à décarboner l’économie européenne d’ici 2050 et place le transport ferroviaire au cœur de sa stratégie. L’objectif est de doubler le transport ferroviaire de marchandises et tripler le transport de voyageurs d’ici 2050, par rapport à 2015. Cette vision met en avant le rôle du ferroviaire comme solution durable pour l’avenir.
Face à ces défis et opportunités, SNCF Réseau se trouve à un carrefour stratégique avec des défis financiers et industriels majeurs. Le coût total du Réseau Transeuropéen de Transport (RTE-T) s’élève à 1500 milliards d’euros et la nécessité de renforcer la filière en termes de ressources humaines et de capacités de production est impérative.
Pour Dariush Kowsar, il est important de créer un réseau ferroviaire européen moins disparate d’ici 2050 et semblable à l’unification du réseau en France dans les années 1930. Cela représente non seulement un défi technique et financier mais aussi une opportunité unique de positionner le ferroviaire comme un acteur clé de la mobilité durable en Europe.
Samuel Sebban, Directeur du Campus formation Paris-Nanterre chez SNCF Réseau, a profité de cette conférence pour rappeler l’importance de la formation dans l’adaptation aux nouvelles technologies et méthodes. Pour lui, le centre de formation de Nanterre comme les autres campus a un rôle important à jouer dans la formation des nouveaux collaborateurs et la mise à niveau des salariés expérimentés. Il a également souligné l’importance de prendre de la distance et de la hauteur sur les enjeux évoqués autour de l’infrastructure. Il a conclu sur l’importance du temps pour aller toujours plus vite et toujours plus loin dans les enjeux du réseau ferroviaire..
Il a enfin donné rendez-vous au Campus formation de Saint-Priest pour la 3ème conférence sur les enjeux de la maintenance.
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