Synthèse conférence #1 – cycle 2021 : « Le ferroviaire du futur se finance aujourd’hui »

La crise sanitaire a profondément bousculé notre rapport à la mobilité. D’abord en gelant notre appétence pour tous les transports en commun avant de repartir fortement pour le ferroviaire, beaucoup moins pour l’aérien. Dans le match entre les deux modes de transport, le facteur environnemental et la qualité de service permettant notamment de travailler en voyageant donne des avantages considérables au train qui pourrait étendre son activité voyageur, notamment avec une explosion des trains longues distances. Ces avantages concernent l’activité voyageur comme le fret qui pourrait être dopé par les velléités européennes de Green Deal. Ceci, à condition d’investir lourdement dans les infrastructures dès aujourd’hui car en 2035, l’automobile comme l’aérien auront massivement adopté des solutions en partie décarbonnées.
Retrouvez la synthèse écrite de la 1ère conférence de notre cycle 2021 intitulée “Le ferroviaire dans le monde d’après : comment s’adapter aux nouveaux usages ?” avec :
– Jérôme LAFFON – Directeur Marketing de SNCF Voyages,
– Laurence BERRUT – Directrice Territoriale Grand-Est de SNCF Réseau,
– Boris DESCARREGA – Directeur Associé et spécialiste de la mobilité à l’Observatoire Société & Consommation (ObSoCo),
– Marc GUIGON – Directeur du Département Voyageurs à l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC).

Lors de son introduction, Pierre Gibbe a
rappelé les grandes missions de l’Université de l’Ingénierie qui forme 3 500
personnes par an aux grandes questions du ferroviaire. D’ordinaire très
techniques, l’UDI a opté cette année pour un cycle de conférences plus grand
public, persuadée que le nouveau contexte mondial, et en premier lieu le
dérèglement climatique, rend le ferroviaire incontournable pour penser les
mobilités de demain.
TOUR DE TABLE
Boris
Descarrega, Directeur associé à l’OBSOCO (Observatoire Société et Consommation) et spécialiste des mobilités émergentes
a dévoilé les résultats
d’une étude portant sur le rapport des français à la mobilité.
Il
s’avère que la mobilité contrainte a été fortement augmenté, puisque seuls 30 à
40% des français disaient avoir retrouvé leur mobilité normale. Dans le détail,
l’aérien a été le plus impacté (51%) devant les transports collectifs
quotidiens (39%) et le TGV (36%).  Contrairement au vélo ou à la voiture
pour lesquels on peut s’équiper ou se déséquiper de manière définitive, l’arrêt
des transports collectifs est le plus souvent temporaire. Pour autant, il ne
faut pas lire une stabilité de notre rapport aux déplacements. Deux items sont
particulièrement éloquents en termes de tendance : 
« L’avenir
sera aux modes de transports collectifs »
, recueille encore 60%
d’opinions favorables, mais c’est 9% de moins qu’il y a un an. « L’avenir
sera à la possession plus qu’à l’usage »
, 50/50 aujourd’hui, soit une
baisse de 18% pour l’usage et un retour en force de la possession.
En
termes d’usage, 1/3 des français envisagent sérieusement d’aller vivre
ailleurs, surtout dans les villes moyennes et plus du tout au cœur des
métropoles (seulement 8%), avec logiquement, un éloignement du domicile par
rapport au lieu de travail. Ceci confirme l’engouement pour un télétravail
pérenne, vrai facteur en faveur du ferroviaire.

En
termes d’usage loisirs, le « flygskam » présent fortement en Suède
arrive doucement en France. 71% des interrogés considèrent qu’un tourisme local
est plus vertueux et 58% estiment être prêts à limiter leur déplacement par
intérêt écologique. Enfin, l’OBSOCO signale un haut niveau d’alerte sur les
prix avec des usagers qui acceptent de moins en moins les conséquences du yield
management sur le prix des billets.

Marc Guigon, Director of Passenger Departement
at International Union of Railways,
a rappelé la création d’une
task force mondiale des unions du ferroviaire rassemblant 49 pays pour partager
leurs bonnes pratiques pour demain. Leur constat est que le retour à normalité
pour le ferroviaire sera entre 2022 à 2025 en fonction de l’évolution de
l’épidémie.

Attention !
L’IUR a réalisé une étude avec le cabinet Roland Berger qui pointe l’horizon de
2035 comme le moment où le fort avantage concurrentiel écologique de l’aérien
s’étiolera avec des avions plus propres et la généralisation des voitures
électriques. Aussi, pour le ferroviaire, les investissements majeurs et
conséquents doivent se faire maintenant. Ces
investissements doivent permettre d’élargir les dessertes, car « la
valeur du temps change »
, selon Marc Guiguon, pour qui on peut
désormais aller jusqu’à 1500km en train (contre 200 à 900 km auparavant) et
concurrencer l’avion sur ces distances, à condition que la qualité de services
à bord soit présente. Pour garder la clientèle affaire, il faut que la
connectique reste importante. Il faut également dans la qualité des lignes et
leur électrification avec des matériels plus respectueux de l’environnement. 

Jérôme
Laffont, Directeur Marketing de SNCF Voyages
a déclaré : « La
crise COVID nous oblige à pérenniser l’exceptionnel ; faire des décisions
conjoncturelles, des nouveaux standards »
. Ainsi des annulations
ou remboursements des billets, qui correspondent à une attente forte.

On
note d’abord la très forte résilience du marché loisir, avec un effet « yoyo »
très rapide et des étés records en 2020 et 2021. Ceci confirme la volonté de
gagner des parts de marché par rapport à la route. A contrario, le marché
affaires a fortement pâti de la crise et n’est pas encore revenu à son niveau
antérieur. Ce
qui se dessine est « on ne voudra pas nécessairement voyager plus,
mais on voudra voyager mieux »
, ce qui est très
encourageant pour la domination constante du TGV sur l’aérien. Ceci pouvant
être renforcé par de nouvelles normes sociales observables chez les jeunes,
avec une désaffection de l’aérien par éthique.

A
horizon 2030, l’idée est de confirmer le fait de gagner sur l’aérien, mais
surtout sur la voiture avec une bascule modale. Celle-ci repose d’abord sur une
accessibilité financière. Pour l’atteindre, le groupe déploie des prix plafonds
en fonction du temps (moins d’1h30, moins de 3H ou plus de 3h) ceci pour lever
les freins psychologiques sur le TGV. La flexibilité, confirmée par les
nouvelles garanties sur les annulations. Enfin, l’extension et la pérennisation
du télétravail pousse à un abonnement spécifique télétravail avec 2 à 3 A/R par
semaine.

Autre
signal faible : l’extension de la mobilité des séniors avec des abonnements
calqués sur la mobilité des jeunes.

Laurence
Berrut, Directrice Territoriale Grand-Est de SNCF Réseau

Le réseau
de l’avenir a le choix entre deux options : gérer l’existant ou avoir une
démarche active pour un monde davantage ferroviaire. Et ce dernier se construit
hic et nunc, avec une autre approche et un autre regard sur le sujet
avec une vision expansionniste et conquérante du ferroviaire. Il faut pour cela
des pouvoirs publics au rendez-vous : 3 milliards d’euros investis pour
des travaux et adapter l’offre de transports.

« On
a le choix entre gérer, adapter le ferroviaire ou au contraire développer
vraiment le ferroviaire pour en faire le mode de transport incontournable de
demain »

Il
faut sortir d’un mode unique et s’ouvrir à des partenariats : impulser le
développement du ferroviaire dans les années à venir afin de conserver un
réseau global, maillé et de qualité.

Quelques exemples de succès :

1 /
Partenariat intermodalité avec VNF (voie navigable de France) pour le transports
de marchandises.

2 / La
région Grand Est est transfrontalière avec 4 pays. Volonté de promouvoir le
ferroviaire avec le Luxembourg, avec la Suisse (exemple à suivre en termes
d’investissement) l’Allemagne et la Belgique.

L’avantage
environnemental ne doit pas se limiter à du déclaratif. Il faut le rendre
attractif, fonctionnel et qualitatif dans les services. Ceci a beaucoup
d’impact sur les représentations collectives autour du ferroviaire, il faut
donner envie, relancer une mode du train. L’après Covid doit miser sur des
investissements de réseaux express métropolitain pour aider les gens en
deuxième couronne à travailler plus simplement.

ÉCHANGES AVEC LE PUBLIC
Financement
et maillage territorial : Faut-il du tout LGV ou plus de
trains du quotidien ? Laurence Berrut insiste sur le déploiement de
nouveaux appels d’offres pour densifier l’offre de petites lignes. Les pouvoirs
publics investissent lourdement pour cela en Grand Est et pourraient inspirer
le reste du pays. Marc Guigon rappelle quant à lui un effet Biden avec des
dizaines de milliards investis aux États-Unis, la Chine qui compte 38 000km de
lignes à grande vitesse et dont l’objectif est 70 000 km à l’horizon 2035. Et
enfin le Moyen Orient avec des développements en Turquie et en Iran et des LGV
en Afrique.
ENVIRONNEMENT :
(Nombreuses questions). Au sujet des investissements verts, les trajets
en TGV sont 50 fois moins polluants qu’en avion, 80 fois moins qu’en voiture et
tout de même 8 fois moins qu’en voitures électriques. Jérôme Laffont avance que
des distances plus longues pourraient être effectuées en train et développer
l’intermodalité avec l’aérien « raisonnée » pour amener les voyageurs
jusqu’aux aéroports. Marc
Guigon ajoute que l’environnement pourrait être porté par un déploiement
européen des trains de nuit avec une politique volontariste et très
subventionné d’un mode de transport non rentable. 
Par
ailleurs, Boris Descarrega rappelle que « les français
souhaiteraient vraiment avoir un rythme de vie qui ralentisse »
. Le
slow travel pourrait être une tendance forte des années à venir.
Laurence
Berrut : « Le fret est un outil indispensable à “l’écologisation” du
transport, mais on investit 20 millions d’euros quand il en faudrait
300… »
Au
niveau européen, il y a des investissements sur les grands corridors du
continent, mais aussi Chine/Allemagne. A noter que l’on gagne 10 jours par
rapport au bateau, le frêt peut aussi être une solution économiquement viable.
CONCLUSIONS
Jérôme
Laffont : « La clé qui fera le succès du
ferroviaire passe par du soutien politique national et continental, allié à un gros
travail sur l’accessibilité financière pour les loisirs et de desserte et
d’horaires pour les professionnels ».
Boris
Descaregga : « Ce sont des choix politiques et sur
lesquels il faut réfléchir collectivement ».
Marc Guiguon
: « Le
voyageur d’affaires doit devenir un voyageur de loisirs ! »

Laurence Berrut :
« Il faut que le train devienne à la mode, que les gens aient envie
d’aller au train. Accessible, digitalisé avec du service à bord et côté réseau,
se donner les moyens de faire un développement d’offres de qualité et des
logiques partenariales avec les collectivités, les régions et l’État, une vague
collective et puissante ! »


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Rendez-vous fin septembre pour la prochaine conférence du cycle 2021 dédiée aux partenariats entre entreprises !